Conférence NatExpo « Vers un cacao zéro déforestation : qui payera le prix ? »
Déforestation, travail des enfants, pauvreté des cacaoculteur·rices, de nouvelles régulations publiques européennes augmentent la responsabilité des entreprises et de leurs fournisseurs, bio ou non. Des évolutions qui vont dans le bon sens mais qui paiera le prix de ces efforts de transparence et de traçabilité ? C’est la question que soulevait cette conférence organisée par Commerce Equitable France sur NATEXPO, le 19 septembre 2022 à Lyon.
« Dans les filières ouest-africaines, premier bassin de production de cacao au monde ayant pour premier marché l’Union européenne, la pauvreté économique des producteur·rices, l’ampleur de la déforestation et le recours fréquent au travail des enfants ont atteint ces dernières années des seuils tellement critiques qu’un consensus a récemment émergé entre les divers acteurs de la filière, pour structurer des plans d’action coordonnés qui puissent remédier à la non durabilité de la filière cacao. » introduit Emilie DUROCHAT, DG adjointe de Commerce Equitable France intervenante sur cette conférence.
Dans ce contexte, de nouvelles régulations publiques et normes européennes et régionales ont été lancées dans le but d’agir en faveur de la durabilité de la filière cacao. Ces dernières pourraient s’appliquer de manière contraignante sur la filière cacao d’ici 2023 :
- Une future directive de l’Union européenne sur le devoir de vigilance et une régulation concernant les pratiques commerciales déloyales
- Un règlement européen sur la lutte contre la déforestation importée validé par le parlement européen le 13 septembre 2022
- Du côté des pays producteurs d’Afrique de l’Ouest (Ghana et Cote D’ivoire) : la Norme cacao régionale africaine ARS 1000 a été lancée par les deux Etats avec pour objectif de promouvoir et garantir un cadre favorable à la production de fèves de cacao durable et d’apporter des solutions aux questions de la traçabilité du cacao, du travail des enfants, de la déforestation et de l’amélioration des revenus des producteur·rices.
Pour Emilie DUROCHAT, DG adjointe de Commerce Equitable France « Ces cadres de concertation et projets de régulation constituent des opportunités pour renforcer la durabilité de la filière mais ne prennent pas suffisamment en compte la question du prix du cacao, structurellement trop bas depuis près de 30 ans. On ne peut pas envisager la durabilité de la filière cacao sans véritable stratégie de sortie de la pauvreté des cacaoculteurs ! Par ailleurs, la marche à franchir par les coopératives pour assurer une traçabilité « zéro déforestation » est actuellement trop grande si l’on se base sur les faibles ressources dont elles disposent pour proposer des services à leurs membres, elles-aussi contraintes par un prix trop bas du cacao qui affaiblit leurs marges de manœuvre».
Arthur Gautier, qui représente l’acteur de commerce équitable TERRA ETICA/Café Michel (membre de CEF), complète « Le système de monoculture du cacao avec intrants chimiques qui est généralisé en Afrique de l’Ouest appauvrit les sols et contraints les producteur·rices à quitter leurs plantations pour déforester de nouvelles terres et ainsi alimenter de nouveaux fronts pionniers au Libéria ou au Congo. Si l’on veut éviter cela, il est donc indispensable de faire évoluer les modes de production du cacao vers des pratiques agroforestières et agroécologiques qui maintiennent durablement les producteurs sur leurs terres. »
Prix rémunérateurs du cacao et transition agroécologique des modes de productions sont donc indispensables s’ils ont veut penser la durabilité de la filière cacao. « En Côte d’Ivoire, faire du commerce équitable nécessite de payer réellement plus cher le cacao. Avec Terra Etica nous payons actuellement le double du prix du marché ! » témoigne Arthur Gautier.
Les expérimentations mises en œuvre dans le cadre du Programme Equité, qui allie partenariat commercial équitable et agroécologie, témoignent de la validité de ces orientations.